
Dans la Vallée des momies dorées, site funéraire de l'oasis de Bahariya dans le désert occidental de l'Égypte, datant de la période gréco-romaine. © iStock / Ron Watts
Que ce soit en Egypte, au Chili ou à Pompéi, les archéologues découvrent ou redécouvrent régulièrement les restes momifiés de défunts plus ou moins vieux et illustres, et chaque momie est l'occasion d'en apprendre davantage sur les pratiques funéraires des civilisations passées.
De Théophile Gautier, ou Edgar Poe, aux films cultes de la Hammer, la momie (et sa cohorte de malédictions) est entrée au Panthéon des créatures fantastiques les plus populaires. Mais derrière ses fantasmes de mort-vivant enrubanné se joue une histoire bien réelle, construite, d’explorations en analyses, par l’archéologie. Quelle est la plus ancienne momie connue ? Pourquoi les Égyptiens plaçaient-ils des langues d’or dans la bouche de leur défunt ? Voici 10 découvertes récentes qui, de l’Égypte au Chili, nous plongent au cœur des civilisations disparues autant qu’elles éclairent notre propre rapport à la mort.
1. De mystérieuses momies aux langues en or
En novembre 2022, de curieuses momies ont été mises au jour dans la nécropole de Quweisna, dans le delta du Nil. Les langues de certains défunts avaient été remplacées par des morceaux d’or lors du processus d’embaumement. Plusieurs hypothèses tentent d’expliquer la présence de ces étranges appendices, amulettes funéraires buccales: elles permettraient au mort de parler pour se défendre dans l’au-delà lors du tribunal d’Osiris, ou seraient un moyen pour le défunt de communiquer avec le dieu des morts. D’autres défendent l’absence d’explication spécifique: l’or symbolise l’éternité et était fréquemment utilisé lors des cérémonies funéraires dans l’Égypte antique.
Des momies aux langues en or ont été découvertes sur le site de la nécropole de Quweisna, dans le delta du Nil. ©Facebook/ministère égyptien du Tourisme et des Antiquités
2. La petite amie du Pérou
Le 25 février 2023, la police péruvienne fait une découverte étonnante : une momie préhispanique transportée dans le sac isotherme d’un homme de 26 ans. L’individu avance que la momie serait dans sa famille depuis plus de 30 ans, et qu’elle serait devenue sa « petite amie spirituelle ». Or il s’avère, après analyse de la boîte crânienne et des restes, qu’ils correspondent à un individu mâle de 45 ans environ au moment de sa mort. Si l’Amérique du Sud est la deuxième zone géographique au monde avec le plus de momies, les tombes des Andes ont subi de nombreux pillages au fil des années.
Découverte de la momie préhispanique au Pérou © Ministère de la Culture du Pérou
3. Une momie drapée d’or
En janvier 2023, des archéologues ont découvert une momie vieille de 4300 ans recouverte de feuilles d’or dans la nécropole de Saqqarah, en Égypte. Conservée dans un sarcophage en calcaire au fond d’un puis, il s’agirait de la plus ancienne momie recouverte d’or jamais mise au jour, et l’une des mieux conservées. Le défunt appartenait d’après son mode d’inhumation aux plus hautes strates de la société. En effet, outre le fait qu’il soit rare de retrouver des momies de l’Ancien Empire car la technique de momification en était alors à ses débuts, la présence de feuilles d’or est exceptionnelle sur une momie non royale de l’époque.
L’archéologue Zahi Hawass présentant douze statues découvertes à Saqqarah durant la campagne de fouilles qui a révélé la momie couverte d’or. Ministère égyptien du Tourisme et des Antiquités via Facebook
4. La menace du réchauffement climatique
Dans le nord du Chili, le réchauffement climatique menace la préservation de momies issues de la civilisation Chinchorro précolombienne, une communauté ayant vécu du VIIIe siècle au IIe siècle avant notre ère. Les momies Chinchorro, plus ancien exemple de momification volontaire au monde, sont menacées par l’augmentation de l’humidité dans la région de l’Atacama: l’érosion du vent et de la pluie amène de plus en plus de corps à refaire surface, et les autorités sont dans l’incapacité de tous les déplacer ou de les restaurer.
Les communautés locales craignent la disparation d’une « merveille de la préhistoire mondiale ». Ici, momie d’enfant Chinchorro, 2012 © Bernardo Arriaza / Regional Program for Protection of the Chinchorro Sites
5. Découverte surprenante dans un grenier
Dans un grenier du Kent, à l’occasion d’un héritage, un citoyen britannique a retrouvé une tête de momie, sûrement rapportée d’Egypte au XIXe siècle comme souvenir. D’abord donnée et exposée au musée local, le Canterbury Museums and Galleries, elle a été prise en charge par James Elliott, expert en radiographie médico-légale, bien décidé à en découvrir plus sur l’identité du ou de la défunte en l’absence d’autres moyens d’identification. En utilisant un scanner médical, l’expert est parvenu à réunir de nombreuses informations sur cette mystérieuse momie.
La tête avait été oubliée dans le grenier d’une maison ©Maidstone and Tunbridge Wells NHS Trust
6. Les plus vieilles momies au monde
Les sépultures de treize individus découvertes entre 1960 et 1962 dans la vallée du Sado au Portugal, récemment analysées par des archéologues suédois et portugais pour les dater, pourraient être le plus vieil exemple de momification connu à ce jour. En effet, les restes semblent dater de 6000 avant notre ère, et présentent des signes de momification délibérée. Or, la communauté scientifique date les plus vieilles momifications à 5000 avant notre ère. Cette découverte remettrait en question la chronologie établie des pratiques de momification.
La chercheuse Rita Peyroteo Stjerna au Musée national d’archéologie de Lisbonne travaille sur les squelettes mésolithiques découverts dans les années 1950-1960 dans la vallée du Sado, au Portugal ©️José Paulo Ruas / université d’uppsala
7. Six enfants sacrifiés
Sur le site archéologique de Cajamarquilla, près de Lima, les archéologues de l’université de San Marcos ont découvert les corps momifiés de six enfants. Retrouvés dans des « paquets funéraires », ou fardo, près de la tombe d’un haut dignitaire ayant vécu entre le IXe et le XIe siècle, ils auraient été sacrifiés afin de l’accompagner dans son voyage dans l’au-delà. Cette découverte d’exception démontre un changement dans les rituels funéraires de la région de Cajamarquilla et un possible choc culturel entre les populations des montagnes et de la côte il y a 1000 ans.
Certains corps étaient recouverts de tissu ©️Page Facebook Universidad Nacional Mayor de San Marcos
8. Amenhotep Ier redécouvert
Pour la première fois depuis sa découverte en 1881, la momie d’Amenhotep Ier a été analysée par des chercheurs égyptiens, numériquement. Le 28 décembre 2021, les résultats de leur étude ont été rendus publics. L’analyse numérique a permis de préserver l’intégrité de la momie, couverte de bandelettes. L’état de conservation du corps est exceptionnel, comme en témoigne sa dentition préservée. Les chercheurs ont également pu découvrir de nombreuses autres caractéristiques de la momie, sans pour autant parvenir à établir les causes du décès du souverain.
La momie est enveloppée dans du lin, et couverte des pieds à la tête de guirlandes de fleurs. ©Dr. Sahar Saleem
9. La culture grecque à Pompéi
Une dépouille momifiée d’un esclave affranchi découverte à Pompéi a révélé des informations cruciales sur l’ouverture de la culture romaine à des influences étrangères. La découverte d’une inscription sur sa tombe indiquant qu’il participait à l’organisation de pièces de théâtre grecques permet d’affirmer que des représentations en langue hellénique avaient lieu dans la cité romaine. Qui plus est, son mode d’inhumation inhabituel et la richesse de sa tombe en font une des tombes les plus intrigantes de la nécropole de Porta Sano.
10. Les secrets du Golden Boy
La momie d’un adolescent richement embaumée il y a 2300 ans et découverte en 1916 a révélé ses secrets grâce à une technique d’imagerie médicale. Les chercheurs ont conclu qu’il s’agissait d’un adolescent de 14 ou 15 ans mort de causes naturelles et issu des plus hauts rangs de la société de l’époque, en témoignent une momification de grande qualité et les objets précieux à ses côtés, comme un masque funéraire, un scarabée et une langue en or. Ce « Golden Boy » constitue un témoignage inestimable des pratiques funéraires de l’époque ptolémaïque (332-30 avant J.-C.).
En recourant à la tomodensitométrie, les scientifiques égyptiens ont obtenu des images en haute résolution de l’intérieur de la momie du « Golden Boy ». ©Saleem SN, Seddik SA and el-Halwagy M (2023)