Lors des fouilles sous-marines menées sur le site archéologique à Thônis Héracléion, les archéologues ont vu émerger des sédiments une main votive datée de la fin du Ve siècle av. J.-C. – début du IVe siècle av. J.-C., probablement originaire de Chypre © Franck Goddio © Hilti Foundation
Lors de fouilles sous-marines menées dans la cité égyptienne engloutie de Thônis-Héracléion, au large de la côte méditerranéenne de l’Égypte, une équipe d'archéologues a fait d'incroyables découvertes provenant d'un temple englouti. Un sanctuaire grec consacré à la déesse Aphrodite a également été mis au jour.
Le 19 septembre 2023, l’Institut européen d’archéologie sous-marine (IEASM) a annoncé une découverte exceptionnelle sur le site de l’antique ville portuaire de Thônis-Héracléion, au large de l’Égypte. En explorant le canal sud de la cité, une équipe d’archéologue, dirigée par Franck Goddio, a fait ressurgir un trésor de bijoux en or et d’objets votifs en argent provenant du temple englouti du dieu Amon. L’IEASM et le Département d’archéologie sous-marine du ministère du Tourisme et des Antiquités d’Égypte ont aussi révélé l’existence d’un sanctuaire bâti en l’honneur de la déesse grecque de l’amour.
Thônis-Héracléion : une cité portuaire engloutie au large du delta du Nil
Thônis-Héracléion est une ville portuaire antique dont les vestiges sont immergés à 6,5 km de la côte actuelle de l’Égypte. Située aujourd’hui à 10 m de profondeur dans la baie d’Aboukir, cette cité perdue a été découverte en l’an 2000 par l’IEASM. Établie au VIIIe siècle av. J.-C., il s’agissait du plus grand port égyptien sur la Méditerranée jusqu’à la fondation d’Alexandrie par Alexandre le Grand en 331 av. J.-C. La cité s’étendait tout autour du temple d’Amon, sa divinité tutélaire. Frappée par une série de tremblements de terre et de raz-de-marée, elle a fini par sombrer dans le delta du Nil au cours du VIIIe siècle apr. J.-C.
En 2023, sur le site de l’antique Thônis-Héracléion, une équipe d’archéologues, dirigée par Franck Goddio, a sorti des eaux de précieux artefacts issus du trésor d’un temple égyptien. © Franck Goddio © Hilti Foundation
Des objets en or et en argent appartenant au trésor du temple d’Amon
Les fouilles sous-marines menées en 2023 sur le site de Thônis-Héracléion se sont concentrées sur l’exploration du canal sud de la ville. Les archéologues ont pu étudier les énormes blocs de pierre qui s’y étaient effondrés durant une catastrophe naturelle survenue au cours du IIe siècle av. J.-C. Ces vestiges ne sont autres que ceux du temple d’Amon, où les pharaons venaient recevoir leurs titres de souverains universels.
Deux plats rituels en argent à libation en l’honneur des dieux provenant du trésor du temple. L’argent était considéré comme extrêmement précieux dans l’Égypte ancienne. Un récipient en albâtre pour les onguents et les parfums a été trouvé parmi eux. Thônis Héracléion, Ve s. av. J.-C.© Franck Goddio © Hilti Foundation
Lors de cette campagne, divers objets précieux provenant du trésor de ce sanctuaire ont été découverts. Les plongeurs de l’IEASM ont exhumé de nombreux bijoux en or, des instruments rituels en argent ainsi que de délicats récipients en albâtre pour les onguents et les parfums. Ces artefacts témoignent de la richesse du temple d’Amon, mais aussi de la grande piété des habitants de l’antique cité portuaire.
Le trésor du temple d’Amon – Christoph Gerigk © Franck Goddio © Hilti Foundation
Grâce à l’utilisation de nouvelles techniques de prospection géophysique, une impressionnante découverte a été réalisée sous l’aire de ce temple. L’équipe a en effet identifié la présence d’importantes structures souterraines soutenues par des poutres et des poteaux en bois recouvertes de nattes de papyrus. Datées du Ve siècle av. J.-C., elles se distinguent par leur excellent état de conservation. Franck Goddio, directeur des fouilles et président de l’IEASM, a d’ailleurs déclaré à ce sujet qu’« il est extrêmement émouvant de découvrir des objets aussi délicats qui ont survécu intacts malgré la violence et l’ampleur du cataclysme, et de mettre au jour des structures qui étaient cachées de la vue de tous dans l’Antiquité ».
Un sanctuaire érigé en l’honneur de la déesse Aphrodite
Cette mission a aussi révélé l’existence d’un nouvel édifice religieux à l’est du temple d’Amon. Les archéologues de l’IEASM ont mis au jour un sanctuaire grec consacré à Aphrodite ainsi que des artefacts importés en bronze et en céramique.
Après la fouille, un plongeur archéologue contemple les énormes blocs du temple d’Amon, tombés au milieu du IIe siècle avant J.-C., dans le canal sud de Thônis Héracléion. Ils ont été découverts sous 3 mètres d’argile dur © Franck Goddio © Hilti Foundation
Cette découverte démontre que les Grecs autorisés à s’installer et à commercer dans la ville durant l’époque saïte (664 à 525 av. J.-C.) disposaient de leurs propres lieux de culte. Thônis-Héracléion était en effet peuplée par des mercenaires venant de Grèce, comme en témoignent les nombreuses armes grecques trouvées in situ. Leur mission était de protéger l’entrée de l’Égypte, au niveau cette embouchure de la branche canopique du Nil. D’après l’archéologue sous-marin Franck Goddio, seuls 5 % de la ville antique de Thônis-Héracléion ont été explorés. Cette cité engloutie d’Égypte n’a donc pas terminé de nous livrer ses secrets.