au Pérou. Sous forme de "fardos funénaires", les momies sont extrêmement bien conservées.Plusieurs dizaines de sépultures de la culture Huari, qui prospérait dans la région avant l'arrivée des Incas, ont été mises au jour sur le site de Pachacámac,
Ici, un masque en bois sculpté, "fausse tête" d'une momie.
La découverte est un petit miracle, tant l’ancien site Huari (ou Wari) de Pachacámac, près de Lima, au Pérou, a été trituré au cours de l’histoire. Soixante-treize momies intactes en paquets funéraires, ou fardos, dont certaines avec de "fausses têtes" (des masques en bois ou en céramique), ont été retrouvées dans un ensemble de cimetières de différentes périodes au pied du Temple Peint (aussi appelé Temple de Pachacámac). À proximité, des bâtons en bois à l'effigie de dignitaires Huari ont également été sortis de terre.
Si le Temple Peint, qui comporte encore des remparts de six mètres de haut ornés de fresques polychromes, date de l’ère inca (1450-1530), les momies, elles, remontent à la seconde moitié de la période de l’Horizon moyen, entre 800 et 1100 après J.-C., durant laquelle l'empire Huari étendit son territoire et son pouvoir politique.
Le professeur Krzysztof Makowski et son équipe - Cynthia Vargas, Doménico Villavicencio, Ana Fernández et Christopher Beltrán - observant l'une des momies. Crédits : M.Giersz, ed. K. Kowalewski
Protégées par un éboulement
Après sa découverte à la fin du 19e siècle par l’archéologue allemand et pionnier de l’archéologie scientifique andine Max Uhle, le complexe de cimetières de Pachacámac fut largement endommagé, tant par les "extirpations d’idolâtrie" espagnoles (des campagnes d’éradication des croyances païennes, et donc des idoles des sites archéologiques et des villages, associées au diable) que par les pillages.
Mais l’équipe d’archéologues de l’Université catholique pontificale du Pérou avait pour espoir de retrouver quelques vestiges intouchés sous un amoncellement de briques, résultat de l’effondrement d’un mur datant des périodes incas et coloniales. Selon les suppositions des chercheurs, le tas de briques pouvait avoir découragé les pillards. Ils ne s’étaient pas trompés.
Un état de conservation exceptionnel
Les sépultures comprenaient des individus des deux sexes, les plus anciens ayant été enterrés individuellement. Les plus récentes, elles, avaient été inhumées en groupes. "Les ballots sont en excellent état, avec des matériaux organiques tels que des textiles multicolores finement tissés, des masques en bois sculptés, des cordes finement nouées et des restes humains dans un état de conservation exceptionnel", écrit Krzysztof Makowski, responsable des fouilles, dans un article de blog de la Faculté d'archéologie de l'Université de Varsovie.
Deux bâtons en bois représentant des dignitaires Huari debout sur un piédestal ont été trouvés à côté du cimetière, recouverts d'une couche de coquillages Spondydus princeps importés d'Équateur.
Les bâtons en bois sculpté représentant deux dignitaires de l'empire (800-1100 après J.-C.). Crédits : M.Giersz, ed. K. Kowalewski
Ce que nous apprennent ces momies est capital pour comprendre l’influence de l’empire Huari dans les Andes préhispaniques, mais aussi pour mieux cerner la position sociale des hommes, des femmes et des enfants dans la société Huari. Seront notamment observés leurs liens de parenté et les soins qui leur ont été apportés, notamment aux invalides, "indicateurs de guerre et de la violence domestique", selon Krzysztof Makowski. Dix-neuf des fardeaux, dont la partie inférieure est conservée et la structure intacte, ont pu être transférés au laboratoire dans leur intégralité afin de les documenter en trois dimensions par tomodensitométrie sans avoir à les ouvrir.