La société Iconem expose en ce moment à la Fondation Boghossian à Bruxelles une partie de son travail, dans le cadre de l’exposition "Arménie, le temps du sacré". Ce sont des images en trois dimensions d’églises médiévales arméniennes, perchées très haut dans les montagnes, à la frontière avec l’Azerbaïdjan. Les images sont impressionnantes, d’une extrême précision et l’on peut même voir l’intérieur de ces lieux de culte, aujourd’hui désertés.
Si Iconem s’est intéressée à ces églises, c’est parce qu’il s’agit d’un patrimoine en danger. A cet endroit du monde, la frontière est instable et, à terme, les églises risquent d’être détruites. C’est là le cœur du travail de cette société française fondée il y a 10 ans par un architecte passionné : conserver numériquement la mémoire pour la transmettre aux générations futures.
Une trace numérique pour restaurer ou reconstruire après la guerre
Ces églises arméniennes reflètent très bien l’esprit général du travail réalisé par Iconem. Yves Ubelmann, architecte et fondateur de la société, explique : "En construisant cet inventaire via des images numériques, on cherche à conserver la mémoire sur un autre support que le support matériel. Premièrement ces images permettent d’avoir une idée claire de l’état d’abandon de ces églises. Ensuite si elles disparaissent un jour, ou si elles sont abîmées, la trace numérique pourra aider à reconstruire ou restaurer ces bâtiments qui font partie du patrimoine".
Pour pouvoir réaliser son inventaire, Iconem s’entoure sur place d’archéologues, d’architectes, de pilotes. C’est un véritable travail d’équipe. A ce jour, 10 personnes travaillent pour cette société basée à Paris.
Iconem n’est pas la seule société à réaliser ce type d’images, mais ce qui fait sa spécificité, c’est que ces images ne sont pas vendues à des fins commerciales, et qu’elles sont toujours diffusées dans cette optique de faire prendre conscience d’un patrimoine existant. Et s’il a disparu, de le reconstruire virtuellement.
A titre d’exemple, l’une des missions confiées à Iconem en 2019 était la reconstitution en images de sites antiques à Palmyre, Alep, Mossoul, symboles millénaires du patrimoine du monde arabe, et abîmés ou détruits par la guerre. C’est L’Institut du monde arabe à Paris qui avait hébergé cette exposition virtuelle. Elle avait été réalisée en partenariat avec l’UNESCO.
Les équipes d’Iconem travaillent pour de grands musées comme le Louvre ou le British Museum, des fondations (telles que la Fondation Boghossian à Bruxelles), des gouvernements (Mairie de Paris, Institut Français de Birmanie…) ou bien des institutions internationales telles que la Banque Mondiale. Outre les pays ravagés par la guerre tels que la Syrie, l’Afghanistan ou l’Irak, la start-up s’intéresse au patrimoine en péril à cause de la déforestation (comme en Amazonie) ou bien du réchauffement climatique (le Mont-Saint-Michel ou Venise).
Une technologie de pointe pour une numérisation 3D optimale
Pour pouvoir réaliser ces précises images, la première difficulté ce sont les routes, explique Yves Ubelmann. "Il y a souvent des routes qui ne sont pas en très bon état et qui ne desservent pas les sites ou les édifices, comme c’était le cas pour ces églises à la frontière arménienne. Souvent l’accès est donc déjà long et complexe. Tout cela s’organise bien à l’avance, car il faut également identifier les points satellites, approcher les voitures le plus possible et puis bien souvent continuer à pied".
Une fois arrivée sur place, la société Iconem utilise des drones, des appareils photos au sol, des perches, bref plusieurs moyens de captation pour réaliser des photos numériques de l’intérieur, de l’extérieur, de tous les points de vue possibles. "Pour chaque église on va produire énormément d’images, environ 10.000, et nous avons donc des images en deux dimensions des édifices. A notre retour on va les calculer à travers des algorithmes d’intelligence artificielle qui vont nous permettre de les transformer en images 3D. On reconstitue ainsi la volumétrie de l’église : son intérieur, son extérieur ainsi que l’épaisseur des murs." L’idée est de créer un "lumo numérique", c’est-à-dire une copie virtuelle du monument physique.
Les images 3D des églises arméniennes réalisées par Iconem sont à voir à la Fondation Boghossian jusqu’au 10 mars 2024 dans le cadre de l’exposition "Arménie. Le temps du sacré".